S'entre-aider ou s'entre-tuer ??? [saison 1]

Annexe de l'école

Après sa malheureuse aventure dans la salle de classe, Kentaro était dépité devant la cruauté que pouvait faire l’Homme. Bien entendu, il avait déjà vu des personnes mortes ou torturées à la télé et dans les jeux vidéos. Mais cette fois-ci, le jeu était réel, s’il devait mourir, il n’aurait pas la possibilité de charger la partie pour recommencer.

C’était avec cet état d’esprit que le pauvre lycéen s’éloigna de l’annexe de l’école. Il ne savait pas vraiment par où il allait. Pourtant instinctivement, il se dirigea vers le Nord-Ouest. Peut-être était-ce dû à un simple réflexe voir à une naïve croyance de chance de ne rencontrer personne.

Après trente minutes de marche intensive sous la pluie, Kentaro arriva aux bord d’un lac. Il déposa son, sac, se rapprocha de l’eau et en prit dans ses mains pour s’asperger le visage même s’il était déjà trempé par la pluie. Cependant le jeune homme cherchait dans ce geste un certain réconfort pour pouvoir retrouver quelque peu ses esprits. Quand il finit par reprendre conscience, il décida de regarder ce qu’il y avait dans le sac qu’on le avait jeté dans les bras. C’était ainsi qu’il trouva une hache, des provisions, et des accessoires utiles pour se repérer sur cette île.

Il ne s’attarda pas plus sur son paquetage, il sortit simplement son arme et continua à avancer vers le Nord-Ouest. Pour l’instant, le plus important étant de trouver une cachette pour arriver à réfléchir correctement avec un esprit clair sur la suite des événements.

Au bout d’une heure à tourner dans la végétation de cette terre entourée d’eau, Kentaro trouva une petite cabane certes pas très accueillante mais on s’y sentait tout de même plus en sécurité que dehors et on y était protégé de la pluie.
Le malheureux joueur s’installa dans un angle sombre et se reposa sans pour autant dormir par peur d’être agressé par l’un de ses camarades de classe.

Piscine Municipale

Voilà une demi-heure que Satoru courrait sous la pluie sans savoir où il allait. D’ailleurs, il ne s’en souciait pas. Dans la brume de son cerveau en manque cruel de nicotine, tout était confus.

* Est-ce vraiment moi qui ai tué cette jeune fille? Alors, c’est pour de vrai… Tout est terriblement réel! *

Petit à petit, le garçon se rendait compte de la conséquence de son acte. Comment avait-il put commettre un acte aussi atroce, qui plus est, de sang froid? Oui, c’était bel et bien lui, Kimitomo Satoru, qui avait sauvagement abattu cette jeune fille…

Tout en courant et trébuchant à chaque pas, Satoru réfléchissait, se posait des questions plus terribles les unes que les autres et repassait en boucle dans son esprit la scène du meurtre de Yoko. Mais ce qui l’effrayait le plus, c’était le réel plaisir qu’il avait éprouvé en faisant gicler le sang de sa victime. Comme si quelqu'un d’autre avait pris possession de son corps à cet instant là, un côté de sa personnalité qu’il n’avait pourtant jamais soupçonné…

Sa réflexion fut brusquement interrompue lorsqu’il sentit sa jambe blessée se dérober sous lui et tout son corps basculer en avant. Il atterrit lourdement sur le sol, les deux paquetages ne faisant rien pour amortir sa chute. Il laissa échapper un cri de douleur et tenta de se redresser avec la force de désespoir, mais sa jambe défaillit de nouveau. A plat ventre sur le sol boueux, il releva la tête et se rendit compte grâce à la lumière d’un éclair qu’il se trouvait à quelques mètres d’une petite structure en bois. Elle avait mauvaise mine et dégageait quelque chose de lugubre, mais Satoru n’avait pas le choix. Il rempa jusqu’à la petite porte et l’ouvrit à grande peine.

L’intérieur était aussi sombre que le ciel. De temps à autres, un éclair filtrait à travers les interstices des planches vermoulues et jetait sa lumière blafarde sur le sol de terre battue le temps d’un instant. Satoru farfouilla dans son sac et en sortit sa lampe torche qu’il alluma avec des gestes fébriles. Ses yeux mirent un instant à s’habituer à la clarté. Ses paupières clignèrent plusieurs fois et il jeta un coup d’œil circulaire sur l’unique pièce étriquée. Il n’était pas seul.

Kentaro Mimoru, l’une des seules personnes qu’il appréciait dans sa classe, se trouvait prostré dans un angle de la cabane, les yeux écarquillés, une hache à double tranchant dans les mains.

* Non, pas lui… Je ne vais pas me battre contre lui… Je refuse! *

En signe de pacifisme, Satoru leva les bras au dessus de sa tête alors qu’il était toujours affalé contre le sol.

- Mimoru-san, c’est moi, Satoru… S’il te plait, ne m’oblige pas à me battre!

Sans qu’il s’en rende compte, de grosses larmes avaient coulées le long de ses joues, creusant dans la poussière et la boue qui le maculaient, de gros sillons. Sa blessure le faisait horriblement souffrir et les traits de son visage étaient crispés. La respiration haletante, il attendait toujours un signal de son camarade, en espérant que lui au moins n’avait pas pris part au jeu.

La demi-heure passait à méditer sur son avenir dans le programme ne servit aucunement à Kentaro. Toutes les solutions qu’il trouvait ne le rassurer guère car elles arrivaient toutes au même résultat : impossible qui se concluait donc irrémédiablement par la mort. Mais le problème qui ressortait de ses réflexions était le fait qu’il fallait faire confiance aux autres élèves, par exemple à Misuko. Et sincèrement il s’était promit intérieurement que s’il croisait sur son chemin cette garce, il la tuerait tout en ayant aucune pitié.

Cependant pour l’instant, Mimoru se trouvait dans une cabane sordide et ne pensait qu’à une seule chose : se roulait un bon «join ». Il avait presque tout le matériel car on lui avait laissé la barrette et les feuilles. Il ne manquait que le tabac et du feu. Et le fait de savoir qu’il ne pourrait pas se déchirer la tête, le mettait en rogne.

Mais Kentaro n’eût guère le temps d’exprimer sa colère que la porte de la cabane s’ouvrit. Par instinct de survit, le lycéen se leva armé de sa hache.
A sa grande surprise, l’individu qui entra n’était que Satoru. Une joie intense l’envahit mais il ne bougea pas pour autant. Quelque chose l’empêchait d’aller voir son ami. La crainte.

Ce ne fut pas les mots de Satoru qui le remirent sur le droit chemin de la raison mais le fait que son camarade était dans un état de faiblesse physique et surtout qu’il était en larmes, des larmes de peur, de souffrance et de solitude. Le voyant dans cet état, il se précipita vers lui pour l’aider mais ne dit rien. Il tenta de l’aider de son mieux pour l’installer et pour le soigner.

Après avoir nettoyé la plaie avec l’eau de son sac et d’avoir fait un garrot, Kentaro s’adossa contre le mur en face de Satoru qui était confortablement allongé avec l’un des sacs en guise d’appuis-tête. Et prit enfin la parole :

« Ta blessure n’est pas si grave, mais si t’as besoin de quelque chose fait moi signe… »

Puis ajouta timidement :

« Satoru… Quand t’es sorti, tu n’avais qu’un seul sac; maintenant t’en as deux… Qui as-tu tué ?… Puis-je avoir confiance en toi ?… »

Alors que Satoru s’attendait à se prendre un coup de hache bien placé, Kentaro abaissa doucement son arme et se dépêcha de venir le secourir. Il prit soin de l’allonger confortablement à un endroit sec de la cabane, et Satoru baissa son pantalon sur ses genoux pour pouvoir faire un garrot autour du haut de sa cuisse avec un morceau de sa veste d’uniforme. Kentaro nettoya la plaie avec un peu d’eau d’une de ses bouteilles et Satoru se détendit quelque peu.

Une fois le calvaire terminé, il murmura un « merci » et reposa sa tête sur l’un des ses sacs en poussant un soupir de soulagement.

- Satoru… Quand t’es sorti, tu n’avais qu’un seul sac.

Le cœur de Satoru s’emballa.

- Maintenant t’en as deux… Qui as-tu tué ?… Puis-je avoir confiance en toi ?…

La tension remonta d’un coup, plus intense encore que lorsqu’il était sortit de la piscine. Il aurait dû prévoir que Kentaro comprendrai aussitôt quel acte il avait commis grâce aux deux sacs qu’il portait. Il regrettait à présent de ne pas avoir transvaser le contenu du sac de Yoko dans le sien pour ne pas éveiller les soupçons et oublier l’horrible geste qu’il avait fait. Mais à présent, il devait expliquer son geste à Kentaro pour éviter de devenir son prisonnier. Il inspira profondément et commença son récit d’une voix enrouée en évitant soigneusement le regard de Kentaro.

- Je… j’ai tué une fille du lycée Kashikoi… Celle qui était assise à côté de moi, dans le bus scolaire.

Il marqua une pause et déglutit avec difficulté. Il cherchait ses mots pour ne pas heurter Kentaro.

- Elle m’a surpris… J’étais désarmé et elle avait un couteau dans la main, qu’elle m’a lancé dessus… A ce moment là, j’ai paniqué et… j’ai… je l’ai… tué. Avec ce même couteau.

Un sanglot étouffa presque le dernier mot de sa phrase. Satoru ferma les yeux et posa sa main sur on front. Il était brûlant. Il se garda bien de dire à quel point il avait pris plaisir à tuer la pauvre Yoko et la façon dont il l’avait achevé. Il estimait en avoir bien assez dit pour que son camarade décide finalement de le tuer. Dans l’état où il se trouvait, il était de toute façon bien incapable de se défendre.

* Ce n’était pas moi à ce moment là… Ce n’était pas moi… *

Cette pensée lui martelait douloureusement l’esprit. Satoru tourna difficilement la tête pour affronter le regard de Kentaro.

- Je regrette… Si tu savais comme je regrette…

Et cela était la stricte vérité.

Après quelques heures d’attente, Satoru se redressa sur un coude pour jeter un coup d’œil à Kentaro. Il s’était assoupit, sa hache entre les mains. A son poignet, la montre fourni pour le jeu indiquait huit heures passées. Certainement par mesure de sécurité, Kentaro avait gardé tout contre lui le couteau de cuisine et l’un des sacs qui contenait l’arbalète de Satoru.

Ce dernier lâcha un soupir de lassitude et trempa jusqu’à son camarade pour récupérer ses affaires. Il le savait, il n’était un simple « compagnon de jeu » pour Kentaro, mais plutôt son prisonnier. Il ne pouvait même pas se défendre dans l’état où il se trouvait…

Après avoir récupéré ses deux sacs, Satoru se releva à l’aide du mur de la cabane et quitta cette dernière en boitant dangereusement et en se mordant la lèvre pour ne pas gémir de douleur et réveiller son geôlier. Par chance, le soleil s’était levé et il ne pleuvait plus.

Dehors, il se saisit d’une branche solide pour s’en faire une canne et s’aida de celle-ci pour se traîner jusqu’à la zone suivante…

Etendue d'eau