La rage l'emporte (Scénario avec Yoko) [Saison 1]

Annexe de l'école

Satoru était sorti de l’école, au milieu d’une rangée de militaires, pour déboucher sur une grande cour. L’herbe était dense, les mauvaises herbes aussi, et la cour de l’école était entourée de tous côtés par les arbres. Satoru s’était élancé dans la jungle, et avait couru sans se retourner, pendant au moins vingt bonnes minutes. Il dérapait tous les deux mètres à cause des nombreuses coulées de boue et la pluie lui fouettait le visage avec une violence rare. Dans les ténèbres, il avait énormément de mal à se repérer et à ne pas se prendre de branche dans la figure. Il dû même s’arrêter un instant, car une ronce grimpante l’avait griffé près de l’œil droit et lui avait arraché un cri, heureusement couvert par le grondement du tonnerre. Il jeta un coup d’œil derrière lui et se remit aussitôt à courir, croyant qu’on l’épiait de partout, prêt à le tirer comme un lapin.

Son lourd paquetage lui sciait douloureusement l’épaule et lui donnait des coups dans le flanc à chaque fois qu’il sautait le moindre petit dénivelé. Hors d’halène, la forêt dense laissa soudain place à un parking asphalté et découvert au bout duquel trônait un bâtiment municipal : la piscine. Ni une ni deux, Satoru pris ses jambes à son cou et s’élança jusqu’à la porte vitrée en espérant qu’elle soit ouverte. Elle l’était.

Il entra enfin dans le bâtiment et aussitôt une forte odeur de chlore caractéristique des piscines municipales lui envahit les poumons. Le sol et les murs étaient recouverts d’un carrelage bleuâtre qui donnait la nausée au garçon. Ou peut-être était-ce le course effrénée qu’il avait fait qui lui donnait cette envie de vomir. Il posa ses mains sur ses genoux pour reprendre son souffle et son paquetage atterrit sur le sol avec un bruit de succion. Il était trempé lui aussi. Satoru se laissa tomber à genoux à côté de son sac et fit glisser la fermeture Éclair de celui-ci pour enfin découvrir l’arme qui lui avait été remise. Il trouva aussitôt ce qu’il cherchait. Il sortit de son sac une sorte d’arc monté sur un manche semblable à celui d’un fusil. C’était une arbalète. Les flèches étaient fournies avec.

Dégoûté, le garçon fourra le tout dans son sac avec rage, le jeta sur son épaule déjà meurtrie, et avança un peu plus dans le bâtiment.

* Ce n’est pas prudent de rester dans le hall. Les portes sont vitrées, n’importe qui aurait put me voir de dehors… Je ferai plus attention dorénavant. *

Il pénétra dans les vestiaires hommes et posa ses affaires dans la première cabine ouverte. Il s’avança au milieu des douches communes entièrement carrelées et essaya l’une d’entre elle. Les tuyaux gémirent mais l’eau arriva sans tarder, d’une tiédeur agréable. Sans se poser de question, le garçon se dévêtit, comme si ses vêtements ensanglantés le brûlaient, et il se frotta énergiquement le visage sous l’eau pour de se débarrasser du sang de Kirito.

Kirito… Il n’arrivait plus à admettre qu’il ne pourrait plus jamais lui parler, ni le toucher. Les images de la mort atroce de celui qu’il aimait défilaient devant ses yeux sans arrêt, comme un horrible film. Il le revoyait s’accrocher désespérément à tout ce qui était à sa portée, pour se tourner vers lui et hurler une dernière fois son prénom… La tête basse, Satoru ferma les yeux et laissa l’eau couler sur son jeune corps. Les larmes qui coulaient sur ses joues se mêlaient à l’eau tiède. A cet instant, Satoru se jura de se battre jusqu’au bout avec courage, même s’il devait mourir pendant ce « jeu » atroce.

Annexe de l'école

Yoko longeait la lisière de la forêt, tentant de s’abriter de la pluie sous les branches des arbres immenses. C’était peine perdue. Dans sa main gauche, elle tenait sa lampe torche allumée pour ne pas trébucher sur un objet quelconque, tandis que de sa main droite elle brandissait un couteau de cuisine. C’était l’arme qu’elle avait trouvé dans son paquetage, au milieu de sa boussole et de sa carte. Elle avait au passage jeté un coup d’œil sur cette carte pour trouver un bâtiment où il était possible de s’abriter un peu mieux que sous les branches des conifères.

Le premier bâtiment qu’elle rencontra était pourvu d’un parking et il était plutôt grand. Visiblement, c’était un bâtiment municipal. Elle poussa la porte vitrée du hall et éteignit sa lampe électrique : le plafonnier jetait déjà sa lueur blafarde sur les murs carrelés de l’entrée. Sans avoir lu l’enseigne, elle sut immédiatement qu’elle se trouvait dans une piscine municipale grâce à l’odeur du chlore qui la prit à la gorge. Elle fit un détour du côté du bassin. Il était rempli d’eau verdâtre jusqu’à la moitié. Un néon timide jetait sa lumière incertaine sur la surface lisse de l’eau.

L’odeur se faisant trop insoutenable, elle se dirigea vers les vestiaires. Elle pénétra dans les vestiaires des hommes pour s’assurer que personne d’autre n’avait eut l’idée de se réfugier au même endroit qu’elle.

* On n’est jamais trop prudent… Je pourrai tomber sur des personnes tentées par ce jeu atroce, si on peut appeler ça « un jeu »… *

Elle passa la tête dans la première cabine ouverte et fut surprise d’y trouver un paquetage ainsi qu’un uniforme de lycéen… Elle se mit aussitôt que ses gardes et jeta instinctivement un regard par-dessus son épaule pour s’assurer que personne ne la suivait. Elle était seule.

* C’est un uniforme masculin… Du lycée adverse en plus… Ce n’est pas un très bon signe pour moi. *

Résignée à ne pas chercher un autre abris pour le reste de la nuit, la jeune fille se dit qu’éliminer un adversaire désarmé et dévêtu ne devrait pas être trop compliqué… Elle posa son paquetage sur le sol tout en gardant son couteau de cuisine en main et se dirigea vers les douches communes, là d’où provenait un bruit d’eau qui coule. Elle passa sa tête par l’ouverture et fut surprise de pouvoir admirer à son aise un corps masculin entièrement nu. Qui plus est, à cause du bruit de l’eau et de l’orage à l’extérieur, il semblait ne pas l’avoir remarqué.

De là où elle était, elle ne pouvait le voir que de dos. Elle voulut se décaler sur le côté pour mieux apprécier le spectacle qui s’offrait à elle, mais son talon glissa sur le carrelage mouillé et elle se retrouva sur les fesses au beau milieu des douches communes.
Le garçon fit volte face. Il semblait totalement pris au dépourvu, surtout lorsqu’il posa ses yeux sur le couteau qui luisait dangereusement dans la main de Yoko. Cette dernière lisait de la démence dans les yeux du garçon, mais elle ne pouvait non plus s’empêcher de jeter des regards en biais sur ses parties génitales.

* Il a l’air de ne pas savoir ce qu’il fait… Oh, il va me tuer si je ne fais rien! Je dois l’achever avant! *

D’instinct, Yoko jeta son couteau sur Satoru, dans l’espoir de le blesser, ou mieux encore, de le tuer.

L’esprit ailleurs, la tête sous l’eau, Satoru n’avait absolument pas remarqué la présence de Yoko. Lorsque la jeune fille glissa sur le sol humide, elle émit un cri de surprise qui alerta aussitôt le garçon. Il fit volte face et fut étonné de se trouver face à la jeune fille qui était assise à côté de lui dans le bus scolaire quelques heures plus tôt. Il se calma quelque peu, mais lorsque ses yeux se posèrent sur l’effrayant couteau de cuisine tenait fermement dans sa main droite, il se crispa de nouveau. Le regard qu’ils échangèrent fut bref mais lourd de sous-entendus.

Yoko n’hésita pas et lança, certainement pas réflexe défensif, son couteau sur le garçon désarmé. Celui-ci protégea instinctivement son visage, mais il sentit la lame s’enfoncer dans sa chair au niveau de sa cuisse gauche. Il laissa échapper un cri de douleur et ses genoux entèrent lourdement en contact avec le carrelage. Ses mains se crispèrent autour du haut de sa cuisse et le sang afflua aussitôt de la plaie béante dans laquelle était toujours profondément enfoncé le couteau de cuisine. Satoru ne se rappelait pas avoir déjà connu de douleur physique aussi intense dans sa vie, hormis le jour où on lui avait infligé cette cicatrice sur le visage qu’il s’efforce de cacher.

Tout en hurlant de douleur, il se saisit du manche de l’arme et la retira de sa cuisse avec un terrible regard noir pour Yoko. La jeune fille, toujours au sol, semblait effrayée par son propre geste. Satoru tenta de se relever, et il y parvint non sans peine en s’aidant de mur carrelé tout près de lui. Il ne hurlait plus, mais l’expression de son visage s’était changé en quelque chose d’effrayant. Les ténèbres semblaient s’échapper de ses yeux, et un horrible rictus lui tordait les lèvres. Le couteau à la main, il s’avança vers la jeune fille en boitant. Le sang recouvrait à présent toute sa jambe gauche, ce qui intensifiait l’aspect morbide de la scène.

Prise de panique, Yoko recula jusqu’au mur du fond pour échapper à son agresseur, mais c’était perdu d’avance.

- Je… je ne voulais pas faire ça… Pitié! Hurla-t-elle à l’attention du garçon.

Dans un accès de fureur, il se jeta sur la pauvre jeune fille et planta le couteau dans son abdomen. A cheval sur elle, il la tenait fermement plaquée au sol. Il la roua de coups de couteau en hurlant comme un demeuré, le sourire aux lèvres, et l’acheva en lui fichant l’arme au milieu du front dans un craquement sinistre.

Le rythme cardiaque du garçon ralentit peu à peu, et son visage se crispa sous la douleur. Satisfait d’avoir crépit de sang les murs des douches, il se dépêcha de retourner s’habiller à la hâte dans les vestiaires et d’emporter son paquetage ainsi que celui de Yoko et le couteau de cuisine.

Il sortit de l’établissement en boitant sérieusement, mais se réjoui que la pluie le lave du sang de sa victime. A présent, il fallait qu’il trouve un endroit où se soigner, et vite.




Nord La cabane [C - 02] S'entraider ou s'entre tuer?